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une vie normale ou presque...
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28 janvier 2011

La dépressive joyeuse

J'ai toujours eu une image très précise de la femme dépressive.... Brune aux cheveux longs, grande, alanguie dans un boudoir sombre, cachée au fond d'une impasse d'un quartier huppé de la capitale ou dans une villa à Deauville. Mélange d'Isabelle Adjani et de Marguerite Gautier. C'est idiot sans doute mais j'ai toujours pensé qu'une dépressive "qui se respecte" se devait d'être brune avec des traits fins, le visage presque émacié, d'une pâleur extrême. Mondaine toutefois, la dépressive reçoit en son salon des gens très bien habillés qui parlent en murmurant de choses très importantes. On y croise des députés, d'anciens ambassadeurs, des ministres, Monsieur le Préfet "honoraire", Maître T. le notaire familial qui refait dans sa tête l'inventaire des meubles, le général de M., un grand ami de la famille qui penche sérieusement à gauche avec toute ses décorations, un cigare d'une main, de l'autre un verre de whisky "hors d'âge", on évoque le maroquin de M. X qui ne l'a pas mérité aux dires de M. Y, jaloux car convoitant lui-même ledit portefeuille. Il y a un côté Troisième République chez cette dépressive! Les meubles semblent avoir mille ans, point de cris d'enfants, dans le jardin, deux rosiers qui tentent un peu vainement d'égayer ce morne endroit! C'est une "grande" dépressive! Par le terme "grande", il faut entendre là le mot "riche". Elle ne se fait pas "hospitaliser" mais passe de longs séjours "en maison de repos". A la question, comment va Madame Z? On répond toujours, elle se repose à Cannes (Honfleur, Gstaad, Megève, Nice, Dinard... selon l'origine de la fortune).... On finit presque par rêver de ce statut de perpétuelle malade qui donne une place dans la société... J'imagine bien un enfant à qui l'on demanderait ce qu'il veut faire plus tard et qui répondrait: dépressif comme Tante Machin! L'idée est drôle!

Pour ma part, c'est moins glorieux, il faut bien l'admettre. J'ai pourtant la dépression joyeuse, je ne dirais pas heureuse, ce serait indécent mais dans l'ensemble je me contente de cette "petite" dépression... D'abord, je suis blonde, pas franchement mince et mon boudoir est ... heu....ha ben, j'ai pas de boudoir. Pour me soigner, je vais voir un psy qui me donne des petites pilules pour ne pas être trop angoissée, fait semblant de m'écouter une heure par semaine en griffonnant sa liste de courses sur un calepin. Mais j'en ressors requinquée. Il a à chaque fois la même phrase "je suis content, nous avons bien avancé cette semaine"... Le cher homme! Voilà cinq ans que j'entends ça. C'est rassurant et puis franchement, s'il est heureux, moi aussi je le suis, si ça peut lui faire plaisir. J'ai réussi à intérioriser ma dépression. Mes larmes ne coulent plus à tout bout de champ, j'attends d'être seule... Le plus souvent c'est en écoutant une musique, en regardant la télévision (et pleurer devant un épisode de Scooby-Doo le dimanche matin... ce n'est pas glorieux!) ou en lisant. Même les choses joyeuses arrivent parfois à me faire pleurer. Un sentiment de bien-être après une belle promenade dans Paris et zou... c'est parti pour les grandes eaux de Versailles. Le seul autre symptôme de cette petite maladie est une tendance à la nonchalance, un sorte de "j'm'en fous" permanent. Pas un "ras-le-bol" mais un superbe "j'm'en tape"! Avantage non négligeable, cet état de fait permet de faire un tri dans les gens et les choses réellement essentiels à la vie. C'est plus simple, non?
En cas de très grosse crise, j'ai un numéro où joindre Docteur Lexomil en urgence! Je ne l'ai jamais utilisé, préférant écouter des chansons ringardes (Sylvie Vartan à côté de ce que j'écoute quand je suis en phase dépressive c'est du hip-hop!) et avoir l'impression que le chanteur me parle... Moi, ça me remonte le moral quand Frédéric François m'assure que son coeur me dit "je t'aime". Dans le pire des cas, on me trouve sous ma couette, les yeux fermés à tenter de m'endormir pour échapper au quotidien en espérant que "demain ça ira mieux"...
Le reste du temps donc, je suis plutôt sympa, de bonne humeur, un nana chouette, à part ces instants de profonde nostalgie,de mélancolie, d'impuissance absolue que des médecins ont appelé "dépression" parce que c'est bien de mettre un nom sur les choses. Un coup de cafard passager? Il est bien installé le passager, cela fait plus de 10 ans qu'il squatte, j'ai l'impression d'être membre du DAD (Droit A la Dépression) comme d'autres sont au DAL (Droit Au Logement).
Et moi qui croyais innocemment que la maladie du siècle, c'était le mal de dos... Je m'en serais contentée, avec joie presque! Tout sauf cet étau qui me tient jour et nuit et m'empêche d'avancer et de vivre ma vie...
Mais si! Je suis une fille sympa et joyeuse, je vous le jure!

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Commentaires
D
Merci de partager ces quelques mots sur la dépression avec nous! Je viens de débuter un blog sur la déprime et je me reconnais dans plusieurs de tes commentaires. Le lit est donc attirant, quand le reste ne suffit plus à nous remonter le moral! Au plaisir de te relire!
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