La mélancolie du bonheur....

Le constat a été fait et vérifié par presque huissier, je suis heureuse! Les nuages se sont dissipés dans ma tête et j'ai bien l'intention de les en laisser éloignés le plus longtemps possible. Seulement voilà! Aujourd'hui, il pleut, il fait froid, un vrai temps de Toussaint (phrase idiote s'il en est, j'ai connu de très jolis temps à la Toussaint!). A 14h, j'ai allumé la lumière dans le bureau. Il faisait jour comme en pleine nuit! Je me suis pelotonnée un peu plus dans le pull en faux cachemire que je portais, offert un café à celui qui ne le méritait pas (il est puni de m'avoir abandonnée une semaine!) et me suis entendue dire "j'adore ce temps!". Les quelques yeux qui étaient dans le bureau m'ont fusillée! Ben quoi? C'est vrai, j'aime la pluie à Paris. J'aime quand il fait tout gris parce que ma ville est belle. Il pleut? Et alors? Comme disait ma grand-mère bien-aimée "on n'est pas en sucre, on ne va pas fondre"! La douce sagesse des gens qui vivent à la campagne! J'ai passé l'après-midi dans un sinistre labo de chimie (pléonasme!) mais quand j'ai allumé la lumière... BOUM!... wahou! C'est comme si toute la vie de l'école venait d'atterrir dans ce lieu étrange. Les élèves ont dû se demander pourquoi je souriais. Peut-être parce que je sais les pas qui montent les escaliers, que son apparition inopinée me fait toujours sourire. Surtout quand c'est pour demander "tout va bien?"... Ben oui... Tout va bien. Une classe comme ça, j'arrive à la gérer, une seconde et même une troisième en plus, je prends! Je fais un métier que j'aime! Cela ne m'était pas arrivé depuis une éternité. Je sais que je fais bien mon boulot (enfin, je finis par le croire puisque tout le monde me le dit!) et objectivement, j'adore.

D'après la Reine-Mère, rien d'étonnant, je travaille dans l'école qui m'a rendu la plus heureuse possible pendant ma scolarité. Je retrouve mes marques, l'uniforme? Je sais ce que je sais, je l'ai porté aussi! Les élèves? Je sais aussi ce que c'est, j'en étais une il y a 21 ans pas si longtemps que ça! Et puis dans ma tête, j'ai encore 15 ans (le premier qui dit "de moins!" s'en prend deux!). Certaines vont même jusqu'à m'accorder 12 ans et des couettes mais les gens sont méchants parfois! J'aime les choix qui s'offrent à moi maintenant "parc ou cantine"? "les petits en français ou les grands en histoire?"... Il sait comment faire pour me voir sourire (à part le plantage du labo chimie mais bon, ce n'est pas une science exacte non plus!). Des heures? Si je pouvais en faire dix, vingt de plus, ce serait sans la moindre hésitation! Pour me sentir vivre, me sentir bien, j'ai besoin de l'odeur de l'école le matin. Comme droguée à cette nouvelle vie qui a célébré son premier anniversaire en septembre. Parce que commencer une phrase et le laisser la finir parce qu'on a pensé à la même chose au même moment me rassure et me conforte. Parce que quand il me balance "j'adore quand un plan se déroule sans accrocs", ça me fait rire... Shooté à Annibal l'animal (jeu de mot mûrement pensé, admiration obligatoire!).

Ce soir, je suis rentrée à pied, sous la pluie, puisque j'aime ça, le coeur léger, déjà nostalgique de la journée passée, attendant le lendemain avec impatience pour croiser ses yeux bleus en premier dans ma journée (retour du "12 ans, des couettes"! c'est fou comme les gens sont méchants parfois!). Je souriais... Il semblerait que sourire sous la pluie soit un affront aux autres! Plus pour moi! C'est un défi!

J'ai ouvert mon portefeuille. Une photo de mon père, une de ma grand-mère... Une larme furtive... Je vais changer ces photos. Je vais mettre celles de mon neveu et de ma nièce! Mais tout d'un coup, j'ai réentendu le son de leurs voix respectives le jour de mon bac:"je suis fier-ère- de toi". Là aussi, ils le seraient, alors cette mélancolie, je l'ai enfouie dans quelques lignes.

"Ô moi! Ô la vie!"...